Marlène Manuel

Qui savait où la prochaine lettre allait frapper ? Et qui n'a pas, au fond d'un tiroir secret de sa vie, quelques petites choses qu'il n'a pas envie de voir étaler au grand jour ?

Gérard précéda sa visiteuse le long du couloir qui menait à une pièce sobrement meublée d'une armoire métallique, de deux chaises à roulettes et d'un bureau sur lequel s'empilaient un grand nombre de dossiers.
- Je n'ai pas beaucoup de temps, précisa Martine, sans accepter la chaise que lui désignait Gérard. Une cliente m'attend au salon… As-tu entendu parler de la lettre anonyme qui a été placardée sur la porte de la mairie de Valfontaine ?
- Oui, on m'a raconté l'histoire... mais tout le monde a l'air de penser qu'il s'agit d'une plaisanterie de gamin.
- Eh bien, la plaisanterie commence à prendre une drôle de tournure ! Regarde ce que j'ai trouvé ce matin sur la vitrine de mon salon.
La petite main gantée de Martine tenait à bout de doigts l'objet du délit. Elle l'agita sous le nez de l'adjudant chef.
- Je n'y ai touché qu'avec des gants. On devrait pouvoir retrouver des empreintes dessus, non ?
- S'il y en a, on les trouvera. Mais après ? Tu veux que je relève les empreintes digitales de tous les habitants de Valfontaine ?
- Si cette histoire continue, il faudra bien envisager une solution pour la faire cesser !
- Où est la première lettre ?
- Dans le coffre de la mairie. Tu n'as qu'à appeler Grandin pour la récupérer... Je me sauve, j'ai du boulot. Si tu trouves quelque chose, tiens moi au courant !
Lorsque Martine regagna son salon de coiffure, deux autres femmes avaient rejoint madame Bonnet et les commentaires filaient à toute allure. Autant arrêter un train en marche ! Martine n'essaya même pas. Elle raconta par le menu sa visite à la gendarmerie.
- Il faut prévenir Lemuey ! s'exclama l'une des femmes, qui était sa plus proche voisine.
- Vous croyez qu'ils vont trouver des empreintes ? demanda la seconde.
- Moi, je ne le crois pas, déclara madame Bonnet, péremptoire. Il faudrait être bien bête pour laisser des traces de cet ordre ! Si c'était un enfant, je ne dis pas...
- Mais ce n'est pas un enfant, dit gravement Martine. Le fait est presque certain, à présent.
Il y eu une minute d'un silence pesant. Une menace planait sur Valfontaine. Que voulait le corbeau ? Qui serait l'objet de la prochaine attaque ?
- Que cela ne nous empêche pas de travailler ! s'exclama Martine. Tenez, Madame Bonnet, enfilez cette blouse, je m'occupe de votre shampooing tout de suite.
- Vous avez raison, Martine. Il ne faut pas céder à la panique, c'est probablement ce " qu'on " cherche.